Le voyage revanche espéré par les touristes pour l’après-crise : vrai projet ou utopie ?

Le voyage post-Covid-19, tout le monde en rêve, à sa manière. À quoi ressemblera-t-il ? Les touristes vont-ils pouvoir encore voyager librement lorsque la crise sera passée ? Les professionnels parviendront-ils à s’adapter aux nouveaux codes du genre ?

Alors que des études prédisent une surconsommation de voyages appelée “revenge travel”, il convient de se poser la question du visage qu’aura le voyage d’après-crise. À l’heure actuelle, l’horizon est flou. Il est difficile de dire si le temps du “voyage revanche” viendra tôt ou tard. Essai de prospective.

Le voyage revanche : entre raison et démesure

On le sait, il y aura un avant et un après crise sanitaire. Les voyageurs ayant vécu les divers confinements comme des atteintes profondes à leur liberté pourraient envisager le voyage post-Covid-19 comme celui de la délivrance. Voyager loin, à plusieurs, sortir sans contrainte, consommer sans retenue, vivre la nuit, partager des expériences uniques, afin d’oublier le couvre-feu et d’effacer le souvenir des restrictions associées à la pandémie. Voilà à quoi pourraient ressembler les envies de certains touristes de demain, phénomène que le cabinet américain Mc Kinsey a déterminé comme le “revenge travel”.

Dans une toute autre logique, certains choisiront de repenser leur façon de vivre et de redonner au voyage ses contours d’antan, faisant ainsi l’éloge de la lenteur et de la proximité. Entérinant ainsi un changement de société plus profond.

D’autres, encore marqués par la peur de la maladie, repousseront leurs envies de voyage à plus tard, préférant attendre que le coronavirus ne soit vraiment qu’un lointain souvenir.

Les études menées actuellement révèlent peu de demi-mesure dans l’attitude des voyageurs de demain mais tous vont chercher trois aspects déterminants dans le choix de leurs destinations.

Un voyage revanche en trois principes : sécurité, confiance et flexibilité

Placer la sécurité sanitaire au coeur du voyage de demain

Voyager sans prendre de risques sanitaires. S’il s’agissait déjà d’une priorité pour la majorité des voyageurs avant l’apparition de la Covid-19, la dimension sanitaire a pris aujourd’hui une place encore plus importante. Les voyageurs qui évitaient auparavant de partir vers des zones dans lesquelles ils étaient susceptibles de contracter certaines maladies, ne prendront plus le risque de se déplacer. La sécurité sanitaire est la condition essentielle pour espérer voyager à nouveau. Les professionnels ont un défi de taille à relever. Ils s’y emploient déjà depuis plus d’un an, mais devront renforcer et généraliser les mesures afin de convaincre l’ensemble des touristes d’hier de reprendre la route. De nombreuses chartes et certifications ont vu le jour en ce sens afin d’aider les voyageurs à y voir plus clair.

Du côté du voyageur, comment être certain que chacun se plie aux règles ? La question du passeport vaccinal, passeport sanitaire ou passeport vert est à l’étude dans plusieurs pays et déjà mise en œuvre en Chine. L’Union Européenne a d’ores et déjà annoncé l’accélération du travail sur un passeport sanitaire européen, tandis que des pays comme Israël ont mis en place un dispositif national visant à faciliter l’accès aux restaurants, aux théâtres ou aux concerts. La mise en place du passeport européen fait néanmoins débat en France et en Allemagne. Son caractère liberticide est pointé du doigt par certains de ses détracteurs.

Regagner la confiance du voyageur

Le touriste de demain a besoin de réassurance. La confiance découlera en partie de la garantie du déploiement de toutes les mesures d’hygiène indispensables pour assurer la sécurité des voyageurs.

Les touristes aspirent à évoluer dans un environnement sûr, où une hygiène optimale est assurée et où les mesures de distanciation sociales peuvent être respectées. Les hôteliers ont relevé le défi et se sont appliqués à renforcer les protocoles de désinfection et les normes d’hygiène. Dans le domaine de l’hôtellerie d’affaires, CDS Groupe a créé un indice Covid-19, fondé sur un ensemble de 12 mesures appliquées par les établissements.

Le label Safe Travels, créé par le Conseil mondial du voyage et du tourisme, garantit par exemple au voyageur le respect des protocoles sanitaires par le gouvernement du pays dans lequel il voyage.

Offrir de la flexibilité en toute occasion

Le voyage revanche sera flexible ou ne sera pas. Les touristes auront en effet besoin de pouvoir annuler leur séjour au dernier moment s’ils ne sont pas en confiance ou si le contexte ne s’y prête pas. L’ensemble des acteurs de la chaîne du voyage œuvrent à l’assouplissement de leurs conditions d’annulation. Condition aujourd’hui sine qua non pour engager une réservation de séjour. La plupart des acteurs du secteur se sont déjà pliés à ces exigences depuis la fin du premier confinement. C’est notamment le cas d’Air France ou d’Accor.

Combiner voyage et télétravail : le voyage longue durée

Et si le voyage devenait un mode de vie ? Devenir nomade digital avait déjà séduit plus d’un foyer avant 2019. Avec le développement du télétravail et l’envie de pouvoir se sentir libre, il est fort probable que le voyage post-pandémie se prolonge au point de devenir un mode de fonctionnement à part entière. S’il n’est plus possible de partir à l’aventure et de rompre le quotidien aussi facilement qu’avant, pourquoi ne pas faire venir le dépaysement et le changement à soi ?

La Barbade a surfé sur la vague des travailleurs nomades en étant le premier pays à créer un visa spécial. Une fois ce document en poche, il est en effet possible d’y travailler un an. Ailleurs, notamment au Portugal, certains établissements proposent des formules de séjours longue durée, pour les familles souhaitant y vivre quelques mois tout en travaillant. Airbnb a également su s’emparer du phénomène.

Les voyageurs et les professionnels du secteur auront-ils leur revanche sur le coronavirus ? Oui, les déplacements qui existent depuis la naissance de l’humanité ne s’éteindront pas. Chacun doit néanmoins se réinventer pour trouver sa place dans le monde d’après. Voyage durable, voyage local, voyage de partage, voyage-travail, voyage autarcique, voyage de déconnexion, voyage-libération… Les codes ont changé, tout est à construire !

Il s’agit désormais d’accepter le changement et d’essayer de l’anticiper. Le tourisme étant nécessairement l’expression de ce que vit et pense une société, il en sera la traduction. L’impulsion sera sociétale, humaine, plus que gouvernementale ou institutionnelle. Le voyage revanche aura par conséquent bien lieu. À nous d’en dessiner les contours.